Elise Martimort, créatrice de robes de mariée, vous présente son métier et son inspiration pour sa nouvelle collection 2024 " Sorcières".
Cette année encore, Élise Martimort poursuit sa quête d’émancipation et emprunte ce virage estampillé Couture loin des codes traditionnels du mariage. Un renouveau qu’elle impulse par des jeux de longueurs, de volumes et de textures.
Elise : Nous réalisons systématiquement un patronage unique aux mesures de chacune. Puis selon le projet, nous élaborons une toile (un prototype entoile de coton nous permettant de valider ou modifier le projet avant de tailler dans les vrais matériaux) ou directement la pièce en tissus mais sans doublure ni finition. Nous proposons entre trois et six essayages selon la formule choisie et avançons par étape avec la cliente dans la réalisation de la pièce qui ne sera entièrement terminée qu’au dernier rendez-vous, soit un mois avant le mariage.
Choix des matières, volume, détails, profondeurs des décolletés devant et/ou dos, longueur de la traîne… tout est décidé ensemble au début du projet en fonction des envies de chacune et en tenant compte de sa morphologie.
Depuis quatre ans nous proposons également une offre prêt-à-porter et demie-mesure. Trois collections civiles sont proposées en showroom mais également sur notre e-shop. Les pièces peuvent être choisies telles quelles dans des tailles standards ou modifiées à la demande. Leurs prix varient évidement en fonction.
Ces pièces sont malgré tout également élaborées à l’unité par notre atelier bordelais et nécessitent donc un délai de confection. Nous militons pour une mode éco-responsable et artisanale, c’est pourquoi nous avons fait le choix de conserver la fabrication de toutes nos créations en interne. Nous nous inscrivons entièrement dans le mouvement de la slow-fashion ;consommer moins mais mieux, ne produire qu’à la demande et dans des matériaux naturels ou labellisés Oeko-Tex, français et italiens.
Notre Atelier principal ainsi que notre tissuthèque sont situés dans notre Maison de mariées de Bordeaux. Toute la partie modélisme (la conception des patronages) ainsi que la coupe se fait sur place. Puis les robes sont assemblées dans ce même atelier. Nous réalisons chacune de nos pièces qu’il s’agisse de sur-mesure, demie-mesure ou prêt à porter, du patron à la finition. Dans l’atelier, chacune à sa spécialité Nathalie, la Première d’Atelier est en charge de tout superviser.Elle réalise chaque patronage et gère la coupe. Puis, Laurence assemble les robes. Enfin, Angéline, notre brodeuse d’Art s’occupe des broderies, incrustations et de tout le travail de la main.
Nous travaillons en majorité des matériaux français ainsi que quelques matières italiennes et favorisons le naturel : soie et coton. Ma matière de prédilection depuis quelques années est la crêpe
de soie mat mais nous travaillons également la georgette, la mousseline, le mikado, l’organza, le satin, le brocart, le voile, l’organdi… ainsi que les dentelles et tulles brodés de Calais.Le
satin duchesse est la grande nouveauté de cette année. Nous favorisons les ateliers textiles français et principalement les EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) ainsi que les artisans et maîtres
d’Art car nous avons à cœur de soutenir ces savoirs-faire précieux.
Nous proposons depuis quelques années une ligne pour les petites filles ainsi que la réalisation de robes en pièces uniques pour les mamans. Depuis l’an dernier nous avons ouvert une ligne de robes d’exceptions pour soirée, gala, cérémonie !
Notre dernière collection prêt-à-porter à également été imaginée pour être portée au delà du jour du mariage :robes courtes, combinaisons, pantalons, Bombers, crops tops… à mixer à l’infini, à
dépareiller, à porter en soirée afin de prolonger cette folle journée ou simplement se faire plaisir au quotidien.
Forte de mon expérience dans l’univers de la Haute Couture parisienne, j’avais à cœur de d’offrir le même degré d’excellence tant au niveau des matières que des savoir-faire mais proposer des pièces d’exceptions et les tarifs qui vont avec est très complexe si on n’a pas un nom reconnu. La clientèle capable de s’offrir de telles pièces préfère le plus souvent investir dans une marque prestigieuse même si l’engagement n’est pas toujours au rendez-vous.
En 2012 une amie me confie la réalisation de sa robe de mariée. Ce projet m’effraie autant qu’il ne m’inspire pas dans un premier temps. Je ne me reconnais pas dans l’image traditionnelle de la
robe de mariée, surtout il y a dix ans où les propositions étaient encore très codées. Nous imaginons ensemble une pièce moderne qui met à l’honneur ses courbes et sa féminité. Cette première
expérience est une révélation et l’entreprise voit le jour dans les mois qui suivent. A partir de ce jour là je m’engage à proposer une vision plus moderne et Couture de la robe de mariée tout en
portant les valeurs éthiques et responsables qui sont les miennes.
Tout commence par la thématique que j’ai envie d’aborder. Une fois définie j’imagine les femmes qui l’incarnent et les styles de pièces qui correspondent. Ensuite vient le choix des matériaux. Je fais de tour de nos fabricants, en cherche des nouveaux et imagine également certains motifs en interne avec mon équipe, notamment en broderie. La plupart du temps c’est la matière qui me guide. Dès que je la touche, je visualise immédiatement le modèle que nous allons tailler dedans. Parfois je fonctionne à l’inverse, j’ai la pièce en tête et je me mets en chasse du tissu parfait pour la réaliser mais c’est un exercice compliqué car je suis très perfectionniste, cela peut me prendre plusieurs années avant de trouver la matière parfaite.
Je dessine en moyenne une cinquantaine de croquis par collection dont je ne garde qu’une quinzaine. J’essaye d’avoir une proposition un peu large pour que chacune y trouve son bonheur. Je
réfléchis aussi en terme de modifications possibles à apporter. Il faut qu’il y ait des pièces à manches, d’autres sans, à bretelles larges, d’autres fines, avec et sans décolletés, fendue et
non, avec et sans traîne, des volumes très différents allant de la sirène au très évasés, des pièces unies et d’autres à motifs… Une fois la sélection des croquis terminée, la modéliste, réalise
la construction des modèles puis les réalise en toile de coton afin de procéder au premier essayage avec notre mannequin. J’aime faire participer l’équipe à ce stade pour que chacune puisse
donner son avis, tant d’un point de vue technique qu’esthétique même si la décision finale me revient. Une fois les modifications apportées au toiles, elles sont ensuite reportées sur papier afin
de réaliser le patronage final grâce auquel nous pouvons passer à l’étape de la coupe des matériaux. La partie broderie se fait souvent en amont de cette étape, sur métier à broder et sera
ensuite taillée puis assemblée. Pour exemple, le modèle FREYA a demandé plus de 10 jours de travail pour réaliser les deux pièces de corail du haut de la robe !
Ensuite les robes sont assemblées puis à nouveau essayées afin de vérifier que tout tombe parfaitement avant de passer à l’étape des finitions main et des ourlets.
Pour moi ce qui est vraiment compliqué c’est de me restreindre ! Si j’en avais le temps et les moyens je pourrais créer sans interruption toute l’année.
Tout peut être source d’inspiration, chaque femme que je rencontre évidement mais aussi, une œuvre d’art, un livre, une musique, une matière, un paysage, le détail d’une porte, un coucher de
soleil, le pétale d’une fleur, un graf… J’ai le sentiment de toujours relier des points dans ma tête, mon cerveau tourne sans cesse. C’est assez intense mais riche aussi. J’ai toujours un petit
cahier de croquis sur moi et si je n’en ai pas tout peut faire l’affaire, une note de carte bleue comme un ticket de métro que je griffonne avant que l’image ne s’efface.
C’est devenu indispensable depuis trois saisons. Avant je faisais plus attention à suivre les tendances pour répondre aux envies des futures mariées mais depuis quelques temps je m’en suis tout à fait émancipée. Un changement brutal dans ma vie privée et un long travail personnel m’ont obligés à assumer mes envies. Je prends un plaisir fou à créer, imaginer, sortir des sentiers battus, briser les codes. C’est très exaltant aussi de réaliser que l’on peut inspirer l’industrie du mariage en proposant autre chose que ce qui se fait ailleurs.
En 2020 j’avais appelé ma collection MUSE en hommage à toutes ces femmes qui m’inspiraient dans mon quotidien mais le nom avait été choisi a posteriori comme une première approche un peu timide.
En 2022 j’ai embrassé la cause féministe avec plus de conviction et le besoin de participer à mon niveau. Je me suis entièrement libérée du carcan commercial qu’impose l’élaboration d’une
collection pour ne proposer que des pièces qui me ressemblent. Naturellement la thématique de l’EMPOWERMENT s’est imposé et les robes ont portées le noms de femmes illustres qui ont fait bouger
les lignes de tout temps. L’année suivante le thème ICONIC a emboîté le pas à la précédente avec le même engagement.
Cette saison, nous avons osé aller plus loin avec la thématique des SORCIERES.
La lecture de l’œuvre de Mona Chollet, Sorcières, la puissance invaincue des femmes, a été une vraie claque mais j’avais déjà amorcée une réflexion sur ce personnage féminin après la lecture d’un très beau livre pour enfants qui déconstruisait justement la figure effrayante véhiculée par l’imaginaire collectif. Prendre conscience de l’importance de ces femmes guérisseuses donc détentrices de savoir et libres m’a immédiatement inspirée. Dans le même temps je découvrais le Circé de Madeline Miller, ce sera le début de cette aventure d’un an à la recherche de toutes ces magiciennes, prêtresses,déesses et femmes fortes à travers les continents, les cultures et les époques qui ont peuplé nos contes mais aussi nos passés.
Avec cette thématique des Sorcières nous souhaitons non seulement rendre hommage à ces femmes puissantes et inspirantes maltraitées par l’histoire mais aussi nous adresser à leurs héritières
survivantes.
En insufflant cette force spirituelle à cette collection nous encourageons les futures mariées à briser les carcans du traditionnel, à assumer pleinement leurs envies et à conjuguer Amour et liberté de la manière la plus consciente et moderne qui soit.
Je cherchais une terre spirituellement chargée, une terre de « sorcellerie » avec mon assistante mais tout nous emmenait systématiquement sur les terres celtes, bretonnes, irlandaises… Des terres qui ne sont pas les miennes et surtout qui ne correspondent pas à l’ADN très Mode, blanc, presque monochrome que j’aime particulièrement traiter ces dernières années. Le besoin de ne pas me répéter tout en gardant la même identité est un facteur important dans le choix du lieu. Après le Maroc et Ibiza, j’avais envie de rester dans mon berceau méditerranéen mais avec une proposition nouvelle, différente.
Depuis longtemps déjà le désir de shooter en Corse qui est ma terre d’adoption, celle qui me nourrit, où je vais puiser mes ressources régulièrement était forte. Pourtant cela ne collait jamais
avec l’histoire que je souhaitais raconter. Or, une amie corse m’a raconté l’initiation aux rites de sorcellerie à laquelle sa fille aînée a été récemment initiée par sa belle mère lors d’une
conversation qui n’invitait pas particulièrement à ce type d’échanges. Les points étaient reliés ! Je me suis soudainement souvenue de cette tradition matriarcale de transmission de savoirs
mystiques propre à l’île, j’avais trouvé mon lieu et le moins que l’on puisse dire c’est que ce shooting a été chargé en présence et en émotions ; comme si toutes les magiciennes de tous les
temps du lieu nous avaient portées durant ces deux jours intenses !
Quant à la ville de Bonifacio, je ne saurais expliquer au delà de l’extraordinaire et du majestueux du site mais il fallait que ce soit là. Au bout du bout de la France, en face de la Sardaigne,
là où les éléments s’expriment et se complètent. Et bien évidement l’omniprésence de la roche calcaire, ce blanc texturé qui est un trait d’union avec le travail amorcé depuis deux saisons avec
Elise Morgan et Emmanuel Amou.
Nous réalisons chaque pièce sur-mesure donc aucune limite de taille à la réalisation. Cependant la collection est taillée en grand 38 / petit 40.
Les essayages peuvent se faire aisément jusqu’au 42/44, au-delà , la créatrice dessinera la robe parfaite, adaptée aux envies, à l’histoire et à la morphologie de chacune.
Pour cette collection : de 3 300€ à 12 000€ avec une moyenne forte située entre 3500€ et 4500€.
Toutes les anciennes collections restent disponibles aux showrooms à partir de 3000€.
Plein, trop certainement !
Sans tout dévoiler il y a depuis un certain temps le désir de conquérir le marché outre Atlantique mais pourparler de projet à plus court terme, nous préparons un évènement pour célébrer les 10
ans de la Maison qui ont eu lieu durant le shooting et que nous n’avons pas encore pris le temps de fêter. Nous réfléchissons à quelque chose de fort et de symbolique que nous souhaitons partager
avec tous ceux et celles qui nous ont fait confiance et nous accompagnent depuis toutes ces belles années.
Affaire à suivre rapidement donc…
Oser rêver grand !
Merci à Elise Martimort d'avoir consacrée du temps à nous parler de son métier, sa passion et d'avoir répondu à toutes les questions !!